L'astragale
Albertine Sarrazin
Il n'y a qu'un mur entre Anne et la liberté. Elle le saute en pleine nuit, se reçoit mal : une douleur fulgurante transperce sa cheville, elle vient d'en briser un os au nom mélodieux : l'astragale. Le premier bon Samaritain qui passe n'ose pas l'emmener : le haut mur est celui d'une prison, et Anne est une « mineure en cavale » ; mais il fait signe à un autre automobiliste, et ce Samaritain-là comprend très bien. Julien est du même bord qu'Anne. Il s'occupera de tout : de trouver un refuge et des vêtements, de payer sa pension chez ses hôtes, de régler les frais d'hôpital et d'opération. Pour qui rêve de liberté, il est dur de sautiller sur des béquilles ou de clopiner péniblement de planque en planque. Plus encore d'attendre Julien, sur un lit d'hôpital ou dans des chambres de rencontre. Anne reprendra le chemin aventureux qui la conduira à nouveau derrière le haut mur - et par-delà, jusqu'à la gloire littéraire, lorsqu'elle rassemblera les innombrables feuillets écrits en cellule, et qui racontent son histoire. ...